Les différentes banques européennes ont fait preuve d’optimisme face à la normalisation annoncée de la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne. Ils s’attendent à un rebond de leurs revenus, mais la hausse des taux n’est pas sans risque dans un contexte de ralentissement économique.
Deux hausses de taux successives
Nous sommes encore à quelques semaines du retour sur terre. Plus d’une décennie après la dernière hausse des taux, la Banque centrale européenne (BCE) a confirmé jeudi son intention de relever les taux d’intérêt en juillet. C’est une bonne nouvelle pour le secteur bancaire qui voit avec voracité se profiler la fin de l’ère des taux d’intérêt nuls voire négatifs.
“Un monde avec des taux d’intérêt légèrement plus élevés que la normale est clairement meilleur pour les banques à long terme”, a souligné mercredi Frédéric Oudéa, directeur général de la Société Générale, lors d’une conférence des investisseurs de Goldman Sachs.
“Une inflation élevée est un défi majeur pour nous tous.” Les premiers mots de Christine Lagarde lors d’une conférence de presse jeudi 9 juin ont marqué un profond changement de ton. La flambée des prix est désormais forte dans toute la zone euro et la Banque centrale européenne (BCE) entend tout mettre en œuvre pour la contenir. “L’inflation est trop élevée et nous devons la faire baisser”, a ajouté son président.
En conséquence, la BCE s’est engagée à relever son taux directeur (taux de dépôt à -0,5%) à deux reprises d’ici septembre. Les premiers 0,25 points seront ajoutés lors de la réunion du 21 juillet. La deuxième hausse des taux, dont l’ampleur reste à déterminer (0,25 ou 0,5 en principe), aura lieu en septembre. La zone euro sortira donc ce jour-là de l’ère des taux d’intérêt négatifs.
C’est un tournant pour la politique monétaire : l’Institut de Francfort s’apprête à relever les taux d’intérêt pour la première fois depuis 2011. Les taux de dépôt sont devenus négatifs en juin 2014 et ont progressivement diminué jusqu’à -0,5 % fin 2019, et c’est encore le cas aujourd’hui.
Une hausse des taux attendue depuis des mois malgré le déni de la BCE
Un tel changement de direction permettra aux banques de relever leurs marges, longtemps sous pression en raison de taux d’intérêt historiquement bas, voire négatifs. Plus précisément, lorsque les institutions financières accordent des prêts, elles convertissent des ressources à court terme (dépôts des clients) en prêts à plus long terme avec des taux d’intérêt qui compensent le risque et génèrent des bénéfices. Plus la différence entre les taux à long terme et à court terme est grande, plus la marge est importante.
L’annonce faite par la BCE est très inhabituelle pour une banque centrale. Dans ce monde silencieux, les institutions donnent généralement des instructions pour que les gens comprennent, mais n’annoncent pas à l’avance quelles seront les décisions des futures réunions du conseil.
La perturbation des communications de routine montre à quel point la BCE se trouve sous pression. L’inflation dans la zone euro monte en flèche, dépassant chaque mois les attentes de chacun. Elle était de 8,1 % en mai, du jamais vu depuis la création de l’union monétaire. Dans six pays, le ratio dépasse 10 %, et même 20 % en Estonie. La BCE, chargée d’assurer la stabilité des prix autour de 2 % d’inflation, doit agir.
Après le « quoi qu’il en coûte » annoncé par Mario Draghi en 2012 pour calmer la crise des dettes publiques, Mme Lagarde utilise aujourd’hui une sorte de « quoi qu’il en coute » pour freiner l’inflation.
“Le Conseil des gouverneurs veillera à ce que l’inflation revienne à 2% à moyen terme”, a-t-elle répété à plusieurs reprises. La présidente de la BCE veut interrompre l’idée que le “dovish” (surnom donné aux présidents partisans d’une politique monétaire assez accommodante) prévaut au sein de la banque centrale, l’inflation passant au second plan.
Beaucoup ont accusé la BCE d’avoir mis trop de temps à comprendre l’ampleur de la flambée des prix. Mme Lagarde a admis qu’il y avait une “erreur” dans sa prédiction, mais a souligné qu’elle provenait d'”événements imprévus”.
Le premier est la sortie de la pandémie, qui a entraîné un désarroi complet dans la chaîne d’approvisionnement. Le second, bien sûr, a été la guerre en Ukraine, qui a fait monter en flèche les prix du pétrole, du gaz et des matières premières agricoles.