Le chancelier allemand Olaf Schultz a déclaré vendredi que le manque de transparence des prêts chinois constituait une menace pour les pays en développement et émergents et pourrait déclencher une nouvelle crise de la dette.
Prêter aux pays en développement pour les rendre dépendant
Le chancelier allemand Olaf Schultz a averti vendredi que l’afflux de prêts à long terme de la Chine aux pays pauvres, en particulier ceux d’Afrique, constituait un “grave danger” que le monde puisse plonger dans une nouvelle crise financière.
«Il existe un danger vraiment sérieux de voir (se déclencher) une prochaine grande crise de la dette dans les pays du Sud liée aux prêts accordés par la Chine, qui n’a elle-même pas une vue d’ensemble en raison des nombreux acteurs impliqués», a estimé le chancelier social-démocrate lors d’un débat au Congrès des catholiques qui se tient à Stuttgart.
«Cela plongerait la Chine et les pays du Sud dans une grande crise économique et financière et, en outre, n’épargnerait pas le reste du monde», a insisté le dirigeant. «Il s’agit donc d’une inquiétude sérieuse.» La Chine est accusée de longue date par l’Occident d’utiliser le «piège de la dette» pour exercer une influence sur les autres pays.
Alors que de nombreuses économies sont encore sous le choc de la pandémie de Covid-19, qui a exacerbé les tensions financières, certaines d’entre elles, comme le Sri Lanka et la Zambie, bénéficient simultanément d’énormes prêts de la Chine. Zhou Xiaochuan, l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Chine, a reconnu lors d’une réunion le mois dernier que les pays partenaires avaient des problèmes d’endettement, mais n’en a cité aucun.
La raison en est que la Chine prête à d’autres pays pendant de longues années, et s’ils ne peuvent pas rembourser, ces pays doivent finalement renoncer au contrôle d’actifs clés. Pékin nie ces allégations, affirmant que ses prêts visent à réduire la pauvreté.
Scholz a déclaré qu’il voulait persuader la Chine de rejoindre le Club de Paris, un groupe informel de créanciers officiels dont le rôle est de trouver une solution coordonnée aux difficultés de paiement des pays en négociant un allègement ou un rééchelonnement de la dette. “L’une de nos plus grandes ambitions est d’intégrer la Chine” dans le club, a-t-il déclaré.
Comment réussir à contrer l’influence chinoise ?
Pour contrer l’influence chinoise, a-t-il rappelé, l’UE a dévoilé il y a quelques mois un programme d’aide au développement appelé “Global Gateway”. Dans ce contexte, l’UE entend investir plus de 150 milliards d’euros en Afrique au cours des prochaines années dans des projets d’infrastructures, de transport et d’énergies renouvelables.
L’initiative est considérée comme la réponse de l’Europe à la “nouvelle route de la soie”, le vaste programme de prêts de la Chine dans des dizaines de pays pour développer des ports, des routes, des chemins de fer ou des infrastructures numériques.
Philippe Crevel, économiste, directeur du Cercle de l’Epargne, estime que la Chine aurait tout intérêt à se joindre au Club de Paris car selon l’OCDE, il y a déjà une quarantaine de pays qui risquent un défaut de paiement face à la dette qu’ils n’arrivent pas à rembourser.
« Les pays émergents et en développement sont confrontés à des problèmes croissants en ce qui concerne leur endettement extérieur. L’inflation, les besoins de devises pour financer les importations ou encore la hausse des taux d’intérêt qui renchérit le coût des prêts sont des facteurs qui expliquent qu’un nombre de plus en plus important d’États, en Afrique en particulier, sont au bord du défaut de payement », analyse-t-il.
« La Chine refuse de participer au Club de Paris parce que la Chine préfère négocier au cas par cas, du style: “on peut vous annuler une dette ou une partie de dette mais on va prendre possession des infrastructures qu’on a construit d’un pont, etc…” C’est un rapport de force qui est différent, mais il est certain que dans les prochains mois, s’il y a des risques de banqueroute qui se multiplient, la Chine pourrait avoir intérêt à intégrer le Club de Paris parce que c’est quand même le moyen, pour l’ensemble des acteurs, d’être remboursés à minima, en cas de problème. Ce serait un message positif aux pays endettés », poursuit l’économiste.