General Electric (GE) a laissé s’échapper 800 millions d’euros de bénéfices vers la Suisse et l’État américain du Delaware depuis qu’il a acheté l’usine de Belfort à Alstom en 2015, selon une enquête de divulgation.
800 millions de bénéfices non imposés
Le géant industriel américain General Electric était pointé du doigt à cause d’une vague de suppressions d’emplois, mais il est désormais au centre de l’attention pour fraude fiscale depuis son rachat en 2015 de l’unité énergétique d’Alstom à Belfort, selon un site d’enquête Disclose en mai.
General Electric (GE) a eu recours à l’optimisation fiscale en France entre 2015 et 2020, lui permettant de transférer jusqu’à 800 millions d’euros de bénéfices à l’étranger.
Les pratiques concernaient l’entité française de turbines à gaz de GE à Belfort, poursuivie en décembre 2021 par des salariés qui dénonçaient précisément ses plans d’optimisation fiscale. Les salariés ont porté plainte pour “pratiques frauduleuses en matière de droits de participation des salariés”.
L’enquête de Disclose publiée dimanche, basée sur un rapport d’audit indépendant et plusieurs documents comptables internes du groupe, a révélé un arrangement financier opaque entre la branche française du groupe unilatéral, General Electric Energy Products of France (GEEPF), et les sociétés suisse et spéciale Filiale du Delaware.
Plus précisément, l’usine de Belfort est décrite dans ce montage comme une “unité de fabrication sous contrat” ou un “prestataire de services” pour la filiale suisse de GE, et non un “fabricant”.
La filiale suisse gère les ventes et réalise l’essentiel des bénéfices. Avec ce tour de passe-passe, “l’antenne Suisse peut revendre la turbine au client final avec profit”, note le site d’investigation, échappant ainsi à l’impôt français. L’usine de turbines de la centrale électrique de Belfort a également versé des redevances à sa société mère américaine pour l’utilisation de sa marque et de sa technologie.
Sous couvert de l’Etat français
Dans le cadre d’un accord de “relation de confiance” avec l’administration fiscale, Bercy aurait vérifié au préalable le plan fiscal, comme précise Disclose. Dans le cadre du processus, que la direction du Trésor a engagé en 2013 avec une poignée d’entreprises comme GE, l’entreprise prépare en amont un plan fiscal avec l’administration fiscale, qui s’est engagée à ne pas procéder à un audit.
“La multinationale a fait valider son schéma fiscal, donc les liens entre ses filiales, par Bercy. En retour, elle a obtenu que les services du ministère n’effectuent pas de contrôle”, affirme Disclose.
« GE respecte les règles fiscales des pays dans lesquels l’entreprise opère », a répondu, dimanche, un porte-parole de l’industriel. « Toutes les entreprises qui opèrent et fabriquent dans plusieurs pays ont une politique de prix de transferts pour s’assurer que toutes les transactions inter-sociétés se font à un prix de pleine concurrence [c’est-à-dire à des prix qui s’appliqueraient aux transactions entre parties non liées] », a-t-il poursuivi.
Dans une citation à comparaître déposée en décembre 2021, la Confédération des industries du Sud et la Commission sociale et économique (CSE) de GE ont accusé l’entreprise de réduire les conséquences fiscales de l’entité turbines à gaz de Belfort (GE EPF) en transférant des richesses à des filiales étrangères favorables. Ils ont appelé à rattraper leur retard sur la participation au cours de la période 2015-2020.
Le CSE a estimé les profits dans les paradis fiscaux à environ 1 milliard d’euros ces dernières années, au détriment de GE EPF. EDF a depuis annoncé l’acquisition pour 1,2 milliard de dollars d’une partie des activités du site.
Contacté par l’AFP, Bercy n’a pas donné suite aux sollicitations. GE, de son côté, « respecte les règles fiscales des pays dans lesquels l’entreprise opère», a répondu dimanche un porte-parole de l’industriel. Qui ajoute : «Toutes les entreprises qui opèrent et fabriquent dans plusieurs pays ont une politique de prix de transferts pour s’assurer que toutes les transactions inter-sociétés se font à un prix de pleine concurrence.»