H2O AM, la société de gestion, dans laquelle Natixis IM détient toujours 23% du capital, a été accusée par la police boursière de ne pas respecter les règles d’investissement. De nombreux investisseurs n’ont toujours pas récupéré leur argent.
Jusqu’à 93 millions d’euros d’amende
Ce fut un procès particulièrement bruyant ce vendredi devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF). La star déchue de la gestion londonienne, H2O AM, toujours détenue en partie par Natixis IM, est dans la tourmente depuis deux ans après avoir dû geler sept de ses fonds, qui comptent des milliers d’épargnants français.
Ce procès est particulièrement médiatisé aussi à cause de la sanction record proposée par le Collège de l’Autorité des Marchés Financiers. Ce dernier, agissant comme procureur lorsque le comité des sanctions assigne des sociétés ou des particuliers, a requis une amende record de 75 millions d’euros contre H2O AM, tout en réclamant la censure pour les manquements aux règles destinées à protéger les intérêts des investisseurs.
Pour la première fois dans l’histoire du gendarme de la Bourse, la sanction maximale a été réclamée à l’encontre d’un dirigeant : Bruno Crastes, le patron de H2O, pourrait écoper d’une amende de 15 millions d’euros et d’une interdiction d’exercer des fonctions et postes de direction ainsi que dix ans d’interdiction d’exercer en tant que gestionnaire de fonds en France et dans l’UE.
Une amende de 3 millions d’euros a finalement été demandée au directeur des investissements encore en fonction, Vincent Chailley. Les sanctions proposées s’élèvent à 93 millions d’euros. Il s’agit du montant le plus élevé que l’AMF ait jamais exigé d’une entreprise.
Les représentants du Collège de l’AMF ont insisté sur la « gravité sans précédent » des manquements des anciennes sociétés vedettes et de leurs dirigeants, « dans le domaine de la gestion d’actifs, leurs objectifs, leur portée et leurs conséquences ». La défense a qualifié les demandes de « disproportionnées ».
Des poursuites en France et en Angleterre également
Après avoir déjà été en proie à des secousses en 2019, H2O avait suspendu huit de ses fonds au cours de l’été 2020 en raison de la part croissante dans ses placements d’actifs non liquides difficiles à valoriser et liés à l’homme d’affaires allemand controversé Lars Windhorst.
A l’époque, H2O avait été frappé par un flot de demandes de rachat (6,2 milliards d’euros) après la publication par le Financial Times d’un article mettant en cause la liquidité de certains de ses fonds.
Puis, en août 2020, elle a dû suspendre huit de ses fonds sous la pression de l’AMF. C’est une décision rare motivée par un nombre croissant d’actifs illiquides, difficiles à évaluer et liés à l’homme d’affaires allemand controversé Lars Windhorst. H2O, dans laquelle Natixis détient toujours une participation de 23%, fait face à des sanctions supplémentaires.
Le Collège de l’AMF accuse la société de gestion d’avoir enfreint les règles d’investissement figurant dans le prospectus de son fonds. H2O AM brise également l’interdiction faite aux fonds de détenir plus de 10% d’un même actif.
Enfin, les gestionnaires d’actifs ont échangé avec Tennor des titres émis par la galaxie Windhorst, une pratique jugée illégale. Le comité des sanctions devrait rendre une décision dans les prochaines semaines.
Ce processus n’est que le premier d’une longue série. Au Royaume-Uni, où la Financial Conduct Authority, la police financière britannique, a également intenté une action en justice, un risque que H2O AM a provisionné dans ses comptes. En France, une action civile du Collectif Porteurs H2O, qui devrait être déposée début 2023, dit réunir désormais 1 600 investisseurs privés et professionnels fraudés. Des sanctions sévères de l’AMF leur apporteront la discorde.