Le nombre de défaillances d’entreprises devrait atteindre un pic au cours du premier trimestre 2025, selon les chiffres de la Banque de France, qui prévoit ****0 faillites cette année. Face à ce triste record annoncé, les PME et ETI doivent faire face à la « jungle » toujours plus dense des réglementations pour accéder aux financements. Et si la solution était dans la simplification ?
Faut-il simplifier les solutions de financement en France ?
Paradoxalement, alors que les nuages s’amoncellent à l’horizon du paysage macro-économique, l’activité du crédit aux entreprises ne semble pas s’essouffler en France. Le premier semestre de l’année dernière a d’ailleurs été marqué par un haut niveau d’activité de Bpifrance, l’un des grands partenaires des PME et ETI innovantes françaises, avec 1,3 Md**** déployés en Capital Développement, 354 M**** investis en Capital Innovation et 315 M**** souscrits par l’activité des Fonds.
La banque publique d’investissement note même une forte croissance des demandes d’accompagnement pour des missions de conseil, tout particulièrement celles qui sont liées à la transition écologique et énergétique (65%) et à l’innovation (+103% par rapport à l’année précédente). Preuve de l’intérêt des « Obligations transition » que le gouvernement français s’apprête à mettre à disposition des PME et ETI au cours des prochains mois.
Ces « obligations vertes » (également appelées « obligations environnementales » ou « Green bonds ») sont des emprunts obligataires (non bancaires) émis sur le marché financier. Objectif : financer des projets environnementaux en incitant les investisseurs et entreprises à orienter leurs fonds et activités vers des produits ou services qui favorisent la transition énergétique et écologique.
Dans le détail, il s’agit plus particulièrement d’aider au financement d’un projet spécifique d’amélioration de la performance environnementale, à l’investissement visant à la décarbonation ou l’efficacité énergétique (dont l’acquisition de véhicules propres), ou de soutenir plus généralement toute PME et ETI dont l’activité principale contribue à la transition écologique.
Ce dispositif s’ajoute aux nombreuses autres formes d’aides : subventions, crédit d’impôt, appels à projet, prêt à taux zéro, exonérations fiscales… Des aides publiques qui jouent un rôle crucial pour soutenir le développement économique, l’innovation, la compétitivité et la transition écologique.
Mais les critères d’éligibilité, variables selon le type de dispositif, restent souvent très restrictifs au regard des besoins de financement des PME et ETI innovantes.
Trop d’entreprises sur la touche ?
L’exemple Green bonds illustre le décalage qui peut exister entre les stratégies gouvernementales de soutien aux entreprises, et la réalité des entrepreneurs en recherche de partenaires financiers.
Ce nouveau dispositif d’aide au financement exclut en effet un grand nombre de candidats, puisque les PME et ETI en difficulté (sous procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire) ne pourront pas y prétendre, de même que les entreprises ayant une partie significative de leur chiffre d’affaires réalisée dans les énergies fossiles.
Des restrictions souvent mal comprises par les entrepreneurs en ces temps de crise, avec ****0 défaillances d’entreprises supplémentaires enregistrées au cours du troisième trimestre 2024. « On est dans une situation qu’on n’avait pas vue depuis longtemps. Il faut remonter à 2009 pour voir les grosses PME aussi touchées », observe Thierry Millon, directeur des études d’Altares.
Remboursement des prêts garantis par l’Etat (PGE), contrecoup du surcoût des matières premières et de l’énergie, tensions sur le recrutement, consommation atone des ménages, croissance faible… Les nuages assombrissent l’horizon des PME et ETI. « La conjoncture va accélérer la sinistralité des entreprises qui sont déjà sous tension, et les mesures fiscales comme la hausse des impôts ne vont pas aider », estime Cédric Colaert, associé fondateur du cabinet Eight Advisory.
D’autant que les systèmes de régulation et les contraintes imposées par les marchés boursiers (sensiblement durcies depuis l’adoption des règles de Bâle III et Solvency 2), entravent aussi le développement des PME et ETI.
« Les chefs d’entreprise sont souvent perdus face à une réglementation beaucoup trop lourde », confirme Caroline Weber, directrice générale de Middlenext et co-présidente de l’Association européenne des valeurs moyennes cotées en Bourse, qui pointe « un problème structurel ». Car « à force d’ouvrir des parapluies dans tous les sens », les acteurs des marchés financiers appliquent quasi-systématiquement un « principe de précaution ».
Et c’est en vertu de ce principe que des PME et ETI peuvent être injustement exclues des systèmes de financement, alors même que ces « petites et moyennes sociétés ont réalisé des progrès en matière d’ESG », comme le souligne Maxence Dhoury, analyste financier chez Portzamparc : « Amélioration des indicateurs d’émissions de CO2, hausse de l’actionnariat salarié et de la part des femmes dans la société, développement des conseils d’administration (davantage de femmes et de membres indépendants), etc… ».
La nécessité vitale de trouver des moyens de financement alternatifs
Mauvaise conjoncture économique, contraintes trop restrictives des systèmes de régulation, frilosité des banques qui en découle… Les PME et ETI sont confrontées, pour se financer, à une cascade de difficultés qui les conduit régulièrement à chercher des méthodes alternatives pour trouver les liquidités nécessaires à leurs stratégies d’innovation : crowdfunding, business angel, entrée en bourse et, pour les sociétés cotées, des solutions potentiellement dilutives, comme les OCA.
Si ce risque est manifeste à court terme, cette solution s’avère « plus efficace et **** » que toute autre option, tout au moins pour des sociétés y ayant eu recours à bon escient, comme l’assure le Pdg de Substrate AI, Lorenzo Serratosa : « Malgré ses inconvénients, ce mode de financement offre davantage de garanties d’obtenir les fonds rapidement, par rapport notamment à une augmentation de capital que l’on n’est pas sûr de pouvoir atteindre en cas de besoin ». Sa société a pu obtenir les fonds nécessaires à sa survie, lui ouvrant la possibilité de se positionner parmi les grands acteurs européens de l’intelligence artificielle.
Mais cette réussite ne peut masquer l’échec des milliers de défaillances d’entreprises innovantes qui n’ont pu trouver le partenaire financier pour les appuyer dans leur développement. Et combien de projets avortés ? Dans une enquête auprès des dirigeants de PME et ETI menée par Bpifrance Le Lab et Rexecode, 45 % des dirigeants interrogés comptent reporter les investissements prévus dans la cadre de leurs stratégies de recherche et développement, et 21 % envisagent purement et simplement de les annuler. Et de son côté, l’Insee confirme une baisse de l’investissement des entreprises pour le quatrième trimestre consécutif en fin d’année dernière…
Des indicateurs qui justifieraient à eux seuls une révision des règles de régulation des marchés pour permettre aux PME et ETI de trouver les appuis financiers indispensables à l’innovation. Un effort de simplification qui exige, en France, un changement de culture, selon Dominique Ceolin, PDG d’ABC arbitrage, relativisant le rôle de « gendarme » de régulateurs comme l’AMF en pointant que celle-ci n’est que le reflet de notre société : « L’AMF est particulièrement précautionneuse et en alerte parce que les politiques ne veulent pas de problèmes sur les marchés financiers, ces derniers ayant du mal à accepter que, comme tout autre investissement, les marchés financiers constituent un risque et que chacun doit prendre ses responsabilités ».
En d’autres termes, il s’agirait de réhabiliter et valoriser la prise de risque, quitte, comme le suggérait Emmanuel Macron lors de son dernier discours sur l’Europe, à « réviser l’application telle qu’elle est faite de Bâle et de Solvency ». A cette occasion, le président français concluait ainsi : « S’il n’y a pas de culture de risque, il ne peut pas y avoir d’investissement dans la recherche, dans l’innovation, dans les start-up, dans nos entreprises ».