Le gouvernement tente de mobiliser l’épargne française pour financer la construction des six réacteurs EPR2 que souhaite Emmanuel Macron. Bénéficiant du taux d’intérêt fixé par le ministère des Finances, le Livret A est une ressource stable qui doit être mobilisée pour « l’intérêt général ».
L’épargne populaire pour financer le nucléaire
Où trouver les 50 milliards voire 60 milliards d’euros nécessaires pour financer le nouveau programme nucléaire que veut Emmanuel Macron ? Cette question anime actuellement un débat interministériel sur la relance de l’atome.
Selon nos informations, plusieurs pistes sont explorées, dont l’accès inédit à l’épargne des Français via un fonds d’épargne qui regroupe les actifs détenus par les ménages dans leur Livret A.
« Je suis convaincu que l’épargne populaire, du Livret A, du Livret de développement durable et solidaire, du Livret d’épargne populaire qui, au total, atteint 500 milliards d’euros aujourd’hui, peut davantage encore financer la transformation de notre appareil de production énergétique », avait affirmé Eric Lombard.
Le Livret A dont l’encours est de plusieurs dizaines de milliards d’euros serait l’une des pistes étudiées par le gouvernement, « l’une des ressources les plus rares pouvant déployer des financements à très long terme, ce qui cadre très bien avec le programme nucléaire », a déclaré une source au sein des pouvoirs publics.
Il est entendu que la Caisse des Dépôts, qui alimente le livret d’épargne préféré des Français, dont le taux d’intérêt vient d’être relevé à 3 %, s’est effectivement rapprochée il y a six mois de la direction de la trésorerie d’EDF.
Le bras armé de l’Etat utilise ces fonds pour financer des logements sociaux depuis 30 ans, des ponts depuis 40 ans, et même le portage foncier depuis 80 ans. « Nous sommes à l’horizon d’un financement du nucléaire », a confié à La Tribune une source proche du dossier.
L’épargne préférée des français
Les Français aiment le livret A. Il peut désormais être souscrit dans les banques, pas seulement à la Poste ou à la Caisse d’Epargne, et est exonéré d’impôt sur le revenu. Il s’agit d’une forme d’épargne très liquide qui est facilement disponible.
Même s’il est plafonné à 22 950 €, il est en réalité l’une des formes d’épargne préférées des français, il séduit presque tout le monde : 55 millions de Français possèdent un Livret A.
Son succès est indéniable, on note une augmentation de son encours de 33,49 milliards en 2022 pour atteindre un record de 375 milliards.
Cependant, ce ne sont pas les besoins de financement de l’économie qui déterminent l’allocation de cet argent à travers le marché. Avec le livret A, la rémunération et la répartition sont à la discrétion de l’État à tous les niveaux.
Seul l’Etat décide de son affectation
Pour l’essentiel, l’argent déposé sur le livret A sert à financer le logement social via la Caisse des dépôts.
Ces fonds ne sont pas investis dans des priorités immédiates, selon les besoins de financement des investissements, mais selon la volonté des pouvoirs publics de financer le logement social.
On peut considérer cela comme une priorité, mais investir dans l’économie pour créer des emplois peut aussi être une priorité, y compris au niveau social.
Il existe également d’autres utilisations quantitativement moins importantes. Ainsi, lors du plan de relance 2020, une partie de la collecte du Livret A a principalement été utilisée pour des prêts aux collectivités locales, et pas seulement pour la construction d’infrastructures par les collectivités publiques.
Il peut s’agir de prêts aux PME, voire de microfinance, ou encore d’investissements sur les marchés financiers, d’actions, d’obligations, notamment d’obligations d’État, pour financer la dette publique.
C’est là que, face aux énormes besoins de financement du nucléaire (plus de 50 milliards de dollars d’EPR pour six programmes), l’idée de puiser dans les sommes colossales du Livret A a germé, EDF ne pouvant à elle seule en supporter le coût.
Il ne s’agit que d’une piste à l’étude et aucune décision n’a été prise. Mais cela en dit long sur l’utilisation de l’argent du Livret A et sur ce qu’il advient des épargnants.