La forte augmentation du risque financier pris par les grandes banques centrales depuis la crise financière de 2008 et les mesures prises pour faire face à la crise liée au Covid-19 peuvent conduire certains à exprimer des craintes que les banques centrales subissent des pertes et que leur capital devienne, en conséquence, négatif. Est-ce que cela pourrait remettre en cause leur efficacité et même les amener à fermer leurs portes ?
Les marchés obligataires fragilisent les banques centrales
Les banques centrales toutes-puissantes, qui font la pluie et le beau temps des marchés en ajustant les taux selon leur politique, pourraient être des géants aux pieds d’argiles, piégées par leurs propres décisions monétaires.
Envieux de leur indépendance, ces institutions exercent des pouvoirs exorbitants pour créer de l’argent et même sauver des économies, mais font face à des pertes financières sans précédent depuis quelques années. Certaines demandent déjà aux États de les renflouer, ce qui pourrait affaiblir leur autorité.
Le marché obligataire connaît l’une des pires années de son histoire. Depuis le sommet de juillet 2021, le marché obligataire mondial est passé de 69 000 milliards de dollars à 55 000 milliards de dollars.
Le marché baissier a également affecté la dette souveraine, et l’un des principaux acheteurs de dette souveraine ces dernières années a sans aucun doute été les banques centrales.
Ces dernières ont amassé plus de 30 000 milliards de dollars d’obligations au cours de la dernière décennie, selon le Financial Times.
Compte tenu de la forte hausse des rendements obligataires, de nombreux économistes craignent que les banques centrales ne soient obligées d’absorber d’énormes pertes, ce qui entraînerait un capital négatif qui pourrait nuire à leur efficacité et potentiellement les chasser du marché.
Les banques centrales en difficulté
La Banque nationale de Belgique, cotée en bourse, a averti qu’elle s’attend à des pertes de 9 milliards d’euros sur cinq ans. Les Pays-Bas ont clairement indiqué qu’ils pourraient avoir besoin d’un renflouement du gouvernement.
C’est déjà le cas pour la Banque d’Angleterre, qui recevra des transferts de 11 milliards de livres (12,5 milliards d’euros) de l’État et estime que 133 milliards de livres (151 milliards d’euros) seront nécessaires au cours des cinq prochaines années.
C’est plus que les 120 milliards de livres sterling de dividendes reversés aux finances publiques britanniques depuis 2009.
Ces inquiétudes sont cependant largement infondées, car les banques centrales sont uniques en ce sens que leur santé financière est souvent sans rapport avec leur capacité à s’acquitter de leurs paiements. Même si ses fonds propres deviennent négatifs, une banque centrale ne peut faire l’objet d’aucune contrainte juridique ni de faillite.
Les banques centrales peuvent avoir des fonds propres négatifs
La forte augmentation du risque financier pris par les grandes banques centrales dans l’environnement politique sans précédent d’aujourd’hui conduira-t-elle à leur faillite ?
Non, car les banques centrales disposent généralement des ressources nécessaires pour administrer elles-mêmes les charges.
Le financement de la banque centrale ne peut pas être comparé à celui d’une banque commerciale ou de toute autre entreprise privée car elle a le monopole de la création de monnaie de banque centrale dans sa juridiction.
Par conséquent, la banque centrale peut régler tous ses engagements financiers : pour régler sa « dette », il lui suffit de créer de l’argent, qu’elle peut créer à volonté, instantanément et presque sans frais (une banque centrale ne paie pas les avoirs sur les comptes de virement et les frais de la production de papier-monnaie est négligeable).
Un exemple intéressant est la Banque nationale tchèque (CNB).
Les fonds propres de la CNB ont été en territoire négatif pendant la majeure partie des 20 dernières années. L’économie relativement petite mais tournée vers l’extérieur de la République tchèque permet d’obtenir un taux de change compétitif. La plupart des actifs détenus au bilan sont libellés en devises étrangères.
Lorsque la couronne tchèque s’apprécie, sa valeur des actifs baisse, créant un compte de profits et pertes négatif, entraînant un déficit des fonds propres.
Il en va de même pour la Banque nationale suisse, dont les profits et les pertes ont fluctué par milliards en quelques années sans que celle-ci ne perde le contrôle de la politique monétaire.