Les Français sont souvent perçus comme travaillant moins que leurs voisins européens. Cette idée reçue trouve-t-elle réellement une base factuelle, ou s’agit-il simplement d’un cliché tenace ?
La durée légale du travail en France
Le premier élément à prendre en compte est la durée légale du travail en France. Depuis 2000, la semaine de travail standard y est fixée à 35 heures, ce qui fait de la France l’un des pays avec le temps de travail légal le plus court parmi les pays développés.
À titre de comparaison, la durée hebdomadaire moyenne est de 40 heures dans la majorité des pays européens et même 48 heures au Royaume-Uni.
Cependant, il convient de nuancer cette donnée : la durée légale du travail ne reflète pas forcément le temps de travail effectif des salariés français. Selon les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2017, un salarié français travaillait en moyenne 36,5 heures par semaine. Ce chiffre est certes inférieur à la moyenne européenne, mais reste supérieur à celui observé en Allemagne, où la durée légale du travail est pourtant fixée à 40 heures par semaine.
Le temps partiel en France
Le deuxième facteur à prendre en compte pour expliquer le temps de travail moins élevé des Français est le recours au travail à temps partiel.
Selon une étude publiée par Eurostat, près de 19% des salariés français travaillaient à temps partiel en 2018. Cette proportion est supérieure à celle observée dans plusieurs pays européens tels que l’Allemagne, mais reste inférieure à celle constatée aux Pays-Bas, où près d’un salarié sur deux exerce un emploi à temps partiel.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce recours relativement important au temps partiel en France.
Premièrement, les politiques sociales et fiscales françaises encouragent le développement des emplois à temps partiel afin de favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
Deuxièmement, les contraintes liées à la concurrence économique internationale poussent les entreprises françaises à adopter des stratégies de flexibilité, comme le temps partiel ou le télétravail, pour s’adapter aux changements conjoncturels.
Les congés payés et jours fériés en France
Un autre élément contribuant à réduire le temps de travail en France est la générosité du système de congés payés et des jours fériés accordés aux salariés.
Les Français bénéficient de 5 semaines de congés payés par an, soit environ 25 jours ouvrables. À cela s’ajoutent 11 jours fériés en moyenne, portant le total à 36 jours de repos annuels.
À titre de comparaison, la durée minimale des congés payés varie entre 20 et 30 jours dans les autres pays européens. Le nombre de jours fériés diffère également d’un pays à l’autre : l’Allemagne en compte 9 à 13 selon les régions, tandis que le Royaume-Uni n’en accorde que 8.
Les raisons culturelles et historiques
Enfin, certaines caractéristiques culturelles et historiques peuvent par ailleurs expliquer l’apparente tendance des Français à travailler moins.
La valeur accordée au temps libre et aux loisirs constitue un élément central de la culture française, hérité notamment des Lumières et de la Révolution française, qui ont posé les bases du principe de liberté individuelle.
Un certain pragmatisme économique
Par ailleurs, plusieurs études ont démontré une corrélation entre réduction du temps de travail et taux de productivité. Selon l’OCDE, les salariés français sont parmi les plus productifs d’Europe, souvent devancés seulement par les Allemands, ce qui pourrait suggérer que prendre le temps de se reposer permet, in fine, d’être plus efficace dans son travail.
Si les Français travaillent effectivement moins que leurs voisins européens, en termes de durée légale du travail et d’utilisation du temps partiel notamment, cette situation s’explique par un ensemble de facteurs spécifiques à la France : une politique sociale généreuse en matière de congés payés et de jours fériés, l’importance accordée aux valeurs culturelles de temps libre et de loisirs, et un certain pragmatisme économique visant à optimiser la productivité des salariés. Néanmoins, il convient de rappeler que le temps de travail réel reste supérieur au seuil des 35 heures pour une grande majorité